La dentelle d’Alençon, surnommée Reine des Dentelles lors de la 1ère exposition universelle de Londres au XIX ème siècle est aussi depuis 40 ans la dentelle qui me fait le plus vibrer…. Bien sûr, il y a la dentelle de Calais, la Chantilly et tant d’autres mais arriver à une telle perfection avec juste un fil, une aiguille et du savoir faire, cela me transporte dans un espace-temps que l’on a de la peine à imaginer dans notre société où tout doit aller très vite et être pour demain si ce n’est pas pour aujourd’hui….

Un fil, une aiguille et du savoir faire

Imaginez…. Il faut environ 7 heures pour faire 1 cm 2, parfois plus quand les motifs sont particulièrement chargés… Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas une broderie sur tulle, mais bel et bien une dentelle ou chaque “trou” de tulle a été réalisé tout d’abord en faisant des petites brides à l’aller puis, au retour en passant l’aiguille trois fois dans chaque alvéole pour la consolider…. Cela s’appelle le réseau. Un vrai travail de dentellière quoi !!! Au sens le plus noble du terme…

CP Sébastien Collet

Une pièce d’exception

A ce rythme de travail, on ne compte plus en jour le temps nécessaire pour réaliser certaines pièces exposées au musée, mais en mois, en années, en décennies et même en siècle puisque la pièce maîtresse exposée, un somptueux voile de mariée acquis par le musée en 2018 est estimée à 350 000 heures de travail…. Oui, vous avez bien lu… 350 000 heures, je ne me suis pas trompée dans les zéros, soit si on compte avec nos 35 heures actuelles 10 000 semaines de travail, autour de 200 ans de travail…. Hallucinant…. Transcendant …. Personne ne peut réaliser cet ouvrage seul même en y travaillant toute sa vie ! De quoi rester très humble avec nos petites créations d’une ou deux semaines…

Voile de mariée au point d’Alençon

Pour les motifs, il y a une richesse de points et leur combinaison est infinie… On ne se lasse pas d’admirer tous ces motifs entrelacés… Des loupes sont à disposition à chaque vitrine.

La richesse des points et des motifs

Un peu d’histoire sur la dentelle d’Alençon

La dentelle d’Alençon a quatre cents ans. Elle est apparu sous le règne de Louis XIV, créé en 1650 par Marthe La Perrière, alençonnaise. Elle est calquée sur le point de Venise pour lequel les nobles n’hésitaient pas à vendre quelques biens pour se procurer cet accessoire d’apparat, signe extérieur de richesse et dont Venise avait alors le monopole… Il y a au musée des pièces en point de Venise… A côté des dentelles d’Alençon, elles paraissent presque grossières.

Gros point de Venise

La fuite des capitaux, le protectionnisme, ce n’est pas nouveau et Colbert, devant cet engouement pour la dentelle et pour freiner cette perte d’argent pour l’économie française, va ordonner la création de la Manufacture Nationale du point de France et la placer sous la propriété des Manufactures Royales.

CP Sébastien Collet

Alors qu’au XVIII ème il y aura plus de 10 000 dentellières et 80 ateliers, la production va s’arrêter brutalement avec la révolution de 1789 et la débâcle qui s’en suivi. La fabrication est relancée en 1807 grâce à la Congrégation de Sœurs de la Providence.

L’apogée du Point d’Alençon sous le Second Empire

Au XIXème siècle, la dentelle au point d’Alençon connaît son apogée artistique, sous le Second Empire. Elle est proclamée « Reine des dentelles, dentelles des reines » à l’exposition universelle de Londres en 1851. La maison Lefébure, située à Paris au 15 boulevard Poissonnière, est alors réputée pour ses productions de qualité en point d’Alençon, destinées à la haute bourgeoisie, à l’aristocratie et aux familles royales. Puis, sous l’effet des modes et de la mécanisation, l’activité décline. En 1880, on ne compte plus que 1500 dentellières. À partir de 1903, les actions conjuguées de la Chambre de commerce et d’industrie et des sœurs de la Providence permettront, avec la création de l’école dentellière, de maintenir le métier et de sauver la transmission du savoir-faire. Un rôle assumé à partir de 1965 par l’association La Dentelle au Point d’Alençon.

Eventail au point d’Alençon

La dentelle d’Alençon aujourd’hui

En 1976, le Mobilier national crée l’Atelier national du point d’Alençon placé sous l’égide du ministère de la culture, par souci de conservation et de transmission de ce savoir-faire d’excellence. Il y a 7 dentellières confirmées et 2 apprenties en formation. La transmission est essentiellement pratique et orale et dure entre 7 à 10 ans pour acquérir la maitrise des 10 étapes nécessaire à la réalisation de la dentelle. (Dessin, piquage sur le parchemin, Trace, Réseaux, Remplis, Modes et Brodes, levage, éboutage, assemblage, régalage, luchage, affiquage). L’atelier est ouvert au public durant les journées du patrimoine.

La dentelle d’Alençon est répertoriée depuis Novembre 2010 au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.

 

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