La couleur blanche, une couleur presque comme les autres…

 

Depuis le passé des âges, parce que le jour succède à la nuit, le blanc est identifié à la lumière. Lumière de la lune qui éclaire les sombres ténèbres autant que lumière du soleil.

Cependant, avant l’avènement de l’imprimerie, le blanc est le contraire du rouge tout autant que du noir. Ainsi, l’originel jeu d’échecs met en présence les blancs contre les rouges.

C’est qu’avant la découverte du spectre en 1666, la couleur est souvent associée à la matière. Platon la considère comme une enveloppe trompeuse qui dérobe la vérité de ce qu’elle recouvre.

patricienne romaine-Atelier la Colombe strasbourgAu contraire, le blanc est l’expression de la matière brute. Savoir, lin ou laine, que nul artifice de teinture ne fait mentir. Incarnation de la pureté, il convient pour vêtir les dieux, les desservants et les hommes libres. Pour cela, la tunique des grecs et des romains est blanche . Les antiques grec et romain méprisent fort le « bariolage » des vêtements asiatiques.

Opposition du blanc et du noir

 

Symbole de lumière, de pureté, le blanc est aussi la couleur du bien et de la bénédiction divine. Il est alors opposé au noir. Ainsi, Apollon fait surveiller une de ses amoureuses par un corbeau en qui il a toute confiance. L’oiseau possède alors un plumage blanc. Malheureusement, il manque d’attention. Le dieu, enragé par la défaillance du volatile, le condamne, comme sa descendance, à porter un plumage noir. Lequel lui vaudra dans le monde chrétien d’être associé au diable. Cette opposition entre le blanc et le noir explique les couleurs des costumes d’Obi Wan Kenobi et de Dark Vador.princesse -Leia-Star-war-Atelier-Colombe-Location

Dans la symbolique chrétienne, le blanc est considéré comme la première couleur et la plus noble. Cependant, l’austère dynastie des Habsbourg affiche ses rigoureuses mœurs et privilégie les vêtements noirs. En réaction, voire en provocation, Valois et Tudors arborent des teintes vives et s’habillent de blanc.  Elisabeth 1er aime se vêtir de blanc qu’elle orne de riches bijoux.

Une histoire de teinture

 

costume Ecossais CP Faon PhotographyTeindre en blanc est un exercice périlleux et fort couteux jusqu’à la deuxième partie du XVIIIe siècle. Dès lors, les étoffes d’un blanc pur et lumineux sont rares et réservées à la haute noblesse. En lin, en soie ou en coton, la chemise masculine se cachait. Etre vu en chemise était une déchéance sociale. Mieux valait être vu nu, état de natureté qui n’était pas considéré comme aussi obscène. Mais au XVIe siècle, alors que le blanc devient un signe extérieur de richesse, les messieurs affichent leurs amples chemises. Enfin ceux qui le peuvent. La tendance ne s’inversera plus (Costume baroque écossais) L’expression « cols blancs » qui désigne les grands privilégiés vient de cette évolution.

chemise XVIII ème Atelier la Colombe Strasbourg Terre de LumièreOrnement blanc par excellence, la dentelle a des origines mystérieuses. Son invention est revendiquée par la Flandre et par la Vénétie. Sa date de naissance est tout aussi incertaine. Elle daterait de la fin du XIIIe – début du XIVe siècle. Une chose est attestée, elle est d’abord un luxueux parement du costume masculin. Puis, elle conquiert la garde-robe des riches dames.

L’eau de javel, du blanc enfin abordable

French-cancan-verte à corset-Atelier-la-Colombe-strasbourg-juponEn 1777, dans la ville de Javel, est mis au point l’eau qui portera son nom. C’est une révolution. Cela permet de blanchir les toiles de façon pérenne et en quantité. Dès lors, le linge teint en blanc n’est plus l’apanage de la noblesse fortunée.

Nous l’avons vu, symboliquement et depuis l’origine du temps, le blanc est opposé au noir qui serait le « sale ». Et au rouge qui serait le « coloré ». De là, il incarne la pureté et le bien, le bon, voire le divin.

Ainsi, le linge qui touche le corps, auquel s’applique la prescription a minima d’absence de teinture, doit être blanc.

Dès lors, la couleur blanche incarne un concept retrouvé. Celui personnalisé par la déesse grecque Hygie : l’hygiène.

Les jupons blancs enlacent les jambes de plus en plus de femmes et s’installent définitivement dans l’imaginaire coquin de l’Occident

Le blanc se généralise également pour les toiles du vêtement de dessus. Il retrouve alors son lien avec la virginité. Non que le blanc soit la couleur symbolique de la Vierge. Longtemps elle est vêtue de sombre, car elle porte le deuil de son fils. Il faut attendre le XIIe siècle pour qu’elle soit représentée habillée de bleu.

Le blanc, symbole de pureté

Robe premier empire mousseline blanche et velours-Atelier-la-Colombe strasbourgPar contre, il est sa couleur liturgique. Toujours rattaché à la notion de pureté et, par glissement, d’innocence. Dès lors, il devient la couleur des adolescentes et des jeunes femmes Juliette Récamier, mondaine célèbre, considérée comme la plus belle femme de son temps, ne s’habilla que de blanc. Et à l’entrée du XIXe siècle, Goethe écrivit : « De nos jours, les femmes sont presque uniquement vêtues de blanc et les hommes, de noir. »

Second-Empire-blanche-plumetis-Atelier-la-Colombe-Strasbourg- CP Faon PhotographyLe blanc est également la couleur de la fleur par excellence dans la culture chrétienne. Savoir le lis. Il représente la fécondité, la virginité et la souveraineté. Les deux premiers attributs sont ceux attendus d’une épouse. Aussi, à l’entrée du XIXe siècle, la mariée des classes aisées se présente en robe blanche. Comme pour afficher des qualités, qui, aux siècles passés, allaient de soi. Mais, depuis 1789, des idées de liberté germent lentement dans les esprits. Y compris les esprits féminins. (Mariée d’Halloween)

Toujours lié à la pureté et à l’hygiène, le blanc des travailleurs est celui de l’absence. Comprendre, l’absence de tâche. Avant la découverte du blanchiment à la Javel, certains métiers privilégient des toiles non teintes. En effet, ce sont les seules qui supportent d’être bouillies pour être lavées. Au XIXe siècle, l’habit de travail blanc se généralise. D’abord, le tablier blanc. Dans les classes laborieuses, cette pièce était souvent de couleur foncée … à l’épreuve des tâches. Au XIXe siècle, le tablier blanc devient la norme (costume servante) Ensuite, l’habit de tous ceux qui sont en contact avec des denrées alimentaires. Ici, opposé à la tâche noire ou à la tâche rouge du sang animal. Enfin, l’habit, horrifique pour certains de nous, du personnel hospitalier. Ici aussi, par opposition au rouge du sang.

La couleur blanche la naissance à la mort…

Le blanc pourrait être la seule couleur qui n’ait pas de mauvaise part. A première vue. Pourtant, les grecs antiques distinguaient le blanc pur et lumineux (leukos) du blanc terne et sale (polios). Ce dernier associé à la maladie et à la mort.

Ce lien du blanc avec la mort s’est transformé, mais il a perduré. Au XVe siècle, le blanc est associé au temps de la naissance et à celui de la mort. Après la Résurrection, les élus dépouillés de leurs atours terrestres se voient offrir un vêtement blanc. Ce vêtement est en harmonie avec le rayonnement de leurs corps ressuscité.